Le but de cette enquĂȘte en ligne est dâĂ©largir notre rĂ©flexion sur les moyens techniques et administratifs de gĂ©rer notre rĂ©seau de bornes wifi, mais aussi de participer Ă la rĂ©flexion commune afin de chercher un compromis entre la lutte lĂ©gitime contre les excĂšs observĂ©s dans lâutilisation de lâInternet et le respect des libertĂ©s. Elle se propose dâĂȘtre une force de proposition grĂące au retour des rĂ©pondants.
Le questionnaire de lâenquĂȘte est donc orientĂ© selon le point de vue dâun professionnel de lâinformatique (rĂ©seau de bornes publiques, cybercafĂ©) qui se trouve entre les utilisateurs dâune part et les fournisseurs dâaccĂšs et instances administratives et juridiques dâautre part. Cette enquĂȘte nâa donc pas la prĂ©tention de couvrir lâensemble des problĂšmes complexes associĂ©s Ă ce mode de communication mais se propose dâĂȘtre une composantes des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es dans ce domaine. Si les rĂ©sultats de cette enquĂȘte prĂ©sentent des lignes de forces claires sur lâopinion des rĂ©pondants, une seconde action sous forme de pĂ©tition peut ĂȘtre envisagĂ©e, relayĂ©e par les associations qui sâinvestissent dans cette problĂ©matique et reprĂ©sentent un moyen de pression sur les instances politiques.
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Conclusions
L'analyse des rĂ©ponses Ă notre enquĂȘte en ligne sur les lois Hadopi menĂ©e en octobre 2010 confirme nos interrogations sur leur pertinence, et les effets que l'on peut en attendre sur le tĂ©lĂ©chargement illĂ©gal et la criminalitĂ©. Nous remercions les participants qui ont passĂ© du temps Ă rĂ©pondre Ă un questionnaire relativement long et avons apprĂ©ciĂ© la qualitĂ© de leurs commentaires. Ceux-ci convergent dans leur grande majoritĂ© sur l'inadaptation des mesures techniques et juridiques mises en place, qui portent atteinte aux libertĂ©s fondamentales et au respect de la vie privĂ©e. Ce rapport nous a permis d'approfondir un travail de dĂ©construction d'internet sur les plans ergologique, sociologique et axiologique que nous avions commencĂ© en 2001 sous l'angle de la thĂ©orie de la mĂ©diation. A partir de notre propre expĂ©rience et l'avis des participants, nous avons tentĂ© de dĂ©duire des recommandations que nous soumettons en toute humilitĂ© mais sans complexe aux utilisateurs et pouvoirs publics.
Les rĂ©sultats de l'enquĂȘte sont trĂšs clairs quant aux causes rĂ©elles des dĂ©rives d'Internet qui ne sont que l'expression des problĂšmes de notre sociĂ©tĂ©, et unanimes sur l'idĂ©e qu'Internet reprĂ©sente un enjeu de pouvoir que l'on peut mesurer par le fait que la rĂ©ponse en terme d'action « boycotter Internet, ne plus s'en servir » vient en derniĂšre position, juste aprĂšs « ne rien faire ». Est-ce un hasard si les lois Hadopi apparaissent au moment oĂč cet outil devient indispensable aux citoyens? L'absurditĂ© de ces lois est sans doute due au fait que la jeune communautĂ© des informaticiens n'est pas encore reprĂ©sentĂ©e au parlement. Ceux-ci ne pourraient de toute façon que constater l'impossibilitĂ© de lĂ©gifĂ©rer sur des techniques en Ă©volution permanente dans une course sans fin, et prĂ©coniser l'auto rĂ©gulation, l'application des lois existantes et les poursuites en cas d'infraction constatĂ©e par les moyens dĂ©jĂ disponibles. Le pouvoir politique doit s'exercer sur le possible en favorisant l'Ă©ducation de la population Ă la nouvelle culture, en rĂ©duisant la violence que nous servent les mĂ©dia traditionnels structurĂ©s, comme la tĂ©lĂ©vision par exemple, tout en rĂ©tablissant le lien social par la solidaritĂ© et l'Ă©cologie, c'est Ă dire le recentrage sur l'homme et sa relation harmonieuse avec la nature. C'est ce que nous enseignent les mouvements alternatifs qui sont plus guidĂ©s par la philosophie que l'idĂ©ologie, tĂ©moins de ce passage nĂ©cessaire de la modernitĂ© Ă la post-modernitĂ©. La sociĂ©tĂ© virtuelle d'Internet nous prouve que l'anarchie n'est pas le chaos puisque l'Ă©thique de la majoritĂ© des internautes rĂ©gule le rĂ©seau et instaure des us et coutumes adaptĂ©s Ă ce nouveau mĂ©dia. Ce n'est qu'un aiguillon qui interpelle les pouvoirs sur leurs carences et met en lumiĂšre l'autoritarisme des rĂ©gimes totalitaires tout en donnant la mesure du pouvoir populaire dans les dĂ©mocraties.
Les parlementaires dont beaucoup sont issus du monde mĂ©dical doivent s'inspirer du premier principe de la mĂ©decine qui est de ne pas nuire et laisser l'organisme vivant qu'est internet se dĂ©fendre tout seul contre la malveillance d'une minoritĂ© d'utilisateurs. L'antibiotique Hadopi ne peut au mieux que dĂ©truire les dĂ©fenses immunitaires que sont les experts et prestataires du rĂ©seau et ne pourra pas atteindre les criminels hors de la zone oĂč cette loi s'applique. Il est urgent de laisser l'autorĂ©gulation opĂ©rer et d'utiliser l'arsenal juridique et policier existant pour lutter contre la criminalitĂ©. Quant au tĂ©lĂ©chargement illĂ©gal, ce n'est que le rĂ©sultat des abus et inadaptations de l'offre commerciale que l'on peut transposer Ă d'autres domaines d'un capitalisme financier dĂ©bridĂ©.
Pour rĂ©sumer, on pourrait comparer la pertinence des lois Hadopi Ă l'histoire de la grenouille qui saute pour s'enfuir lorsqu'on fait du bruit en frappant dans les mains, et qui devient sourde lorsqu'on lui coupe les pattes... dans cette logique, nous pourrions affirmer l'immense impact de notre enquĂȘte sur la sociĂ©tĂ© française, puisque le lendemain de sa mise en ligne le 12 octobre 2010, plus de trois millions de Français sont descendus dans la rue pour manifester ;-).
Ces lois ne sont Ă notre sens qu'un aveu d'impuissance de la part du lĂ©gislateur qui, en perte de repĂšres et sous la pression des lobbies, dĂ©rive vers les excĂšs des rĂ©gimes autoritaires en jouant sur la peur et la rĂ©pression brutale, au lieu de favoriser la discrĂ©tion des enquĂȘtes de police traditionnelles, aidĂ©es spontanĂ©ment par les spĂ©cialistes qui ont tout intĂ©rĂȘt Ă dĂ©fendre leur outil. La rĂ©ponse Ă l'absurditĂ© et l'inefficacitĂ© de ces lois ne peut venir que d'une communautĂ© internationale d'utilisateurs, en prise directe avec l'internet, qui proposera des solutions viables et Ă©volutives. C'est notre conclusion en tant que prestataire de bornes wifi, pris en tenaille entre les lois Hadopi et la CNIL, entre nos partenaires et nos clients, dans un rĂŽle policier qui remet en cause nos principes Ă©thiques et la pĂ©rennitĂ© de notre rĂ©seau.
Nous affirmons le caractĂšre partiel de cette enquĂȘte et l'orientation subjective de notre analyse, c'est pourquoi, dans un soucis de transparence, nous laissons Ă l'apprĂ©ciation de chacun le tri Ă plat de l'enquĂȘte et les commentaires laissĂ©s par les participants. Ce matĂ©riau pourrait peut ĂȘtre donner des rĂ©sultats diffĂ©rents selon la perspective choisie, mĂȘme si la grande majoritĂ© des rĂ©ponses et commentaires convergent.